«Ils veulent le Ritz à 800 $ pour la semaine!» Ce cri du cœur d’un patron de chaîne d’agences de voyages illustre la fausse perception des consommateurs des prix des forfaits dans les destinations-soleil. Bon nombre de forfaits incluant l’hébergement dans des propriétés classées «quatre étoiles et demie» ont été soldés à moins de 1200 $, pendant la période des Fêtes (qui est, après la relâche scolaire de mars, la période la plus occupée de l’année).
«Depuis deux ans, la demande porte surtout sur des quatre étoiles et demie», indique Yvon Michel, président de Tours Mont-Royal. «Ces produits devraient se vendre 1800 $, mais le prix moyen se situe plutôt autour de 1200 $/1300 $, actuellement. Quand ce n’est pas à moins de 1000 $! Il y a un chiffre magique: c’est 998 $. Au-delà, les consommateurs ont l’impression de payer trop cher.»
Le fait de bénéficier de prix d’aubaines n’empêche pas les consommateurs de se plaindre de la nourriture à Cuba, de la piètre qualité des vins servis à table, du service, voire de l’hébergement. «Il est vrai que la qualité de la nourriture n’est pas la même dans toutes les destinations, mais les prix tiennent habituellement compte de ces disparités», observe Denis Codère, vice-président commercialisation de Vacances Transat. Manière de souligner le fait qu’il en coûte moins cher de séjourner à Cuba qu’en République dominicaine, où les prix sont moins élevés qu’au Mexique!
Une des doléances qui revient le plus souvent, c’est qu’un «quatre étoiles» à Cuba ou en République dominicaine est loin de valoir un hôtel classé dans cette catégorie au Canada, et à plus forte raison en Europe. Admettons qu’il s’agit plutôt de trois étoiles (ce qui est bien contestable, car les chambres sont toujours plus grandes et plus luxueuses dans le Sud!). Or, pour un trois étoiles dans une région de villégiature au Québec – Charlevoix, par exemple – il faut débourser environ 100 $ par jour et par personne en demi-pension (c’est-à-dire avec petit-déjeuner et souper). Si on y ajoute une bouteille de vin pour accompagner le repas du soir (au bas mot, 40 $) et deux consommations pour l’apéritif (au moins 15 $ par personne avec le pourboire), un couple devra acquitter une facture s’élevant au moins à 945 $ pour la semaine. Ce qui n’inclut pas les repas du midi ni les frais de transport! En Europe, il en coûterait presque le double pour des prestations équivalentes dans un «trois étoiles».
Les forfaits «Sud» qui se détaillent 1200$ (quand ce n’est pas moins de 1000 $ et, à certaines périodes, moins de 800 $), incluent la nourriture et les boissons à volonté, le choix de quatre à six restaurants de spécialités, les billets d’avion (que le grossiste devra payer au minimum 450 $ au transporteur pour un vol de moins de quatre heures) et les transferts entre l’aéroport et l’hôtel (et aussi la marge bénéficiaire du grossiste et de l’agent de voyages). Même s’il s’agit de pays en voie de développement où la main-d’oeuvre est beaucoup moins chère, c’est insuffisant. «Cela exerce une pression sur toute la chaîne: le transporteur, le grossiste et l’hôtelier», déplore Yvon Michel. Le risque, si cette situation perdure, c’est que les hôteliers soient obligés de réduire la qualité des prestations et de réaliser des économies sur la nourriture, sur le personnel (en travaillant avec moins d’employés, ce qui affecte le service) et sur l’entretien (ce qui précipite la dégradation des lieux).
Observant qu’en dollars constants, les prix n’ont jamais été aussi bas depuis 20 ans, Sam Char, directeur de Vacances Sunwing au Québec, impute cette situation à la surcapacité. «L’offre excède largement la demande, cette année, constate-t-il. Avec pour résultat que les consommateurs pensent qu’ils peuvent voyager à moins de 1000 $. Malheureusement, si l’an prochain les prix remontent à 1500 $, ils auront l’impression de payer trop cher, alors que ce sera encore en deçà du juste prix.»